Il faut qu’il soit séparé de tout et même de ces deux êtres : la Mère, celle qui avait donné le jour à Jésus et le fils Jean, le bien-aimé, celui auquel Jésus avait donné toute son existence surnaturelle. A qui va-t-il les livrer ? Il fait alors cette invention sublime : il se détache d’eux en les livrant l’un à l’autre.

 

              Il y a en Dieu non seulement cette grande et forte beauté qui est celle du père, mais aussi toutes ces attentions infiniment délicates qui sont celles de la mère. Notez que dans la Sainte Ecriture, même dans l’Ancien Testament, si rude, au moins en apparence, quand on le compare au Nouveau, Dieu revendique pour lui ces aspects maternels et avec autant d’énergie que de tendresse. Je recueille dans un des prophètes une admirable parole de la bouche du Seigneur ; il faut bien l’écouter car elle est étonnante : « Et quand bien même une mère oublierait son enfant, moi, je ne vous oublierai jamais, dit le Seigneur. »

             Donc Dieu veut dans cet ordre là aller infiniment plus loin que n’importe quelle mère. Là où une mère oublierait, peut-être parce qu’il s’agirait d’un détail trop infime, Dieu promet qu’il n’oubliera pas. Dieu est infiniment tout ce qu’il est, sans aucun défaut, sans aucune limite. Si Dieu est mère, comme on l’a si bien dit, Il l’est infiniment, et par conséquent infiniment plus que n’importe quelle mère, même la plus tendre de toutes. Tous les attributs de la maternité, toutes les tendresses, tous les soins, toutes les délicatesses, Dieu veut que vous les attribuiez à sa Providence et que vous ayez donc confiance, une confiance infinie elle aussi.

 

               Nous vivons à des époques dures, Dieu sait ce que nous réserve l’avenir… peut-être un avenir prochain !Il nous faut nous jeter dans ses bras tendus, dans ce coeur ouvert, il faut nous rappeler cette admirable parole que je viens de vous citer : «  Quand une mère oublierait son enfant, le Seigneur ne nous oubliera pas. »

 

 

              Mais si cet attribut de tendresse maternelle est en Dieu, si cette tendresse est infiniment en Dieu, elle y est d’une manière toute spirituelle, c’est-à-dire d’une manière qui nous dépasse trop. Cette spiritualité convient tout à fait à la nature divine, elle convient moins à notre pauvre nature humaine où l’esprit est mêlé de façon si intime à la chair. Nous avons besoin , nous autres, de quelqu’un ou plutôt quelqu’une qui soit pour nous l’expression vivante, mais bien humaine, assez humaine, de cette maternité divine, trop divine. C’est la Très Sainte Vierge. Cette mère qui est, nous pouvons dire, si exactement, si adéquatement nôtre, mienne !

 

 

             Dieu est encore plus mère qu’elle, car, enfin , nous avons accepté la douce et rude violence qui nous est faite par la grande parole : « Personne n’est aussi mère que Dieu ! » Absolument personne, donc pas même Marie. Mais Marie d’une façon presque infinie participe à cet attribut de la maternité de Dieu. C’est pourquoi nous disons que le privilège de la Sainte Vierge, c’est la maternité divine, dans tous ses sens que ce mot peut avoir. Il fallait d’abord bien réserver et préciser ce qui revient à Dieu. Mais après Dieu, personne n’est aussi mère que Marie.

 

 

         Etant mère de Dieu, elle est mère, sous cet aspect, infiniment ; elle l’est de tout, de tous, donc de nous, donc de moi, car la maternité de la Sainte Vierge vis-à-vis de nous, en tant qu’elle s’adresse personnellement ne nous a pas été révélée au pluriel, Notre Seigneur n’a pas dit : «  Voici votre mère », et cependant nous disons : «  Notre Père qui êtes aux cieux ». Notre-Seigneur a révélé la maternité de Marie au singulier, à chacun de nous, en tant qu’elle s’adresse personnellement et particulièrement à chacun de nous : « Voici ta Mère. »  Vous savez très bien que cela a été dit à Saint Jean pour chacun de nous en particulier. Chacun de nous est « l’enfant de Marie »  comme si il était seul au monde.

 

          Il y a deux paroles qui résument le dogme catholique et la dévotion catholique. Ces deux paroles sont au singulier. Ces deux paroles sont, l’une : «  Ceci est mon corps », c’est toute la dévotion à l’Eucharistie et l’autre : «  Voici ta mère »et c’est toute la dévotion à Marie. C’est à l’intensité de cette dévotion à l’Eucharistie et à la Très Sainte Vierge qu’on reconnaît les catholiques. Rappelez-vous toujours ces deux mots : « Ceci est mon corps »,         « Voici ta mère », mon corps , ta mère. Tous les deux sont au singulier, ce corps qui est mien comme cette mère qui est tienne.

          Tous deux te sont donnés par la force infinie et toute-puissante de cette double parole qui, au fond, ne fait qu’une dans l’unité de mon amour. Cette mère est tienne, parce qu’elle représente vis-à-vis de ton âme à toi, de tout ton être, cet amour qui se donne à tous et tout entier à chacun. C’est le secret de l’amour divin, c’est aussi d’après le poète, le secret de l’amour maternel :

 «  Chacun en a sa part et tous l’ont en entier. »

         Ici le cœur de Marie participe aux plus mystérieux et merveilleux pouvoirs du cœur maternel de Dieu. Elle en représente efficacement pour chacun de nous la tendresse et la sollicitude infinies. Dans cet amour de lui et d’elle Dieu veut nous envelopper. Il veut que là, nous soyons et nous restions toujours, que ce soit le milieu vital où tout nous ramène sans cesse et dont rien ne puisse jamais nous écarter : « Restez dans mon amour. » C’est par elle et en elle que la chose vous sera possible et vous deviendra facile.