Vie et doctrine de SAINT LOUIS-MARIE GRIGNION DE MONTFORT

 Qui plus que saint Louis-Marie Grignion de Montfort aura propagé le culte de Notre-Dame, contribué à sa vraie dévotion ; Saint Bernard a chanté la Vierge, Sain François de Sales s’est attaché à ses mystères, Saint Alphonse de Liguori à ses gloires, mais Louis-Marie, animé également d’une grande dévotion à la croix du Sauveur et à la Sagesse éternelle et incarnée, a montré combien la Sainte Vierge était l’indispensable route qui conduit à Jésus et achemine à la perfection.

 Dans ce XVIIIème siècle, époque d’orgueil et de libertinage, de jansénisme aussi, Grignion de Montfort lutta contre l’ignorance religieuse, le relâchement des moeurs, le refroidissement de la charité. Errant, harassé de fatigue et les pieds en sang, rejeté si souvent par les chrétiens et les gens d’église, mystique, plongé dans le surnaturel, il opposa aux lumières de la raison la sagesse de Jésus crucifié. Tel fut ce saint abrupt.

 « Il y a des saints qui ressemblent au torrent de la montagne. Ils éclaboussent et ils renversent ; en face d’eux, il faut prendre parti parce qu’ils vous interpellent ». Par « Le traité de la vraie dévotion », dans « Le Secret de Marie », il nous montre le rôle de celle-ci dans 1’économie du salut et sa place suréminente dans le corps mystique.

           LA VIE DE SAINT LOUIS-MARIE GRIGNION DE MONTFORT

    Il naquit le 31 janvier 1673 en Bretagne, à Montfort-la-Cane, à quelques lieues de Rennes, au foyer de Jean-Baptiste Grignion de la Bachelleraie et de Jeanne Roberr. Les premières années se passent près d’une nourrice, la mère André. Quand il rentre an manoir familial, à Iffendic, la famille a subi des revers et l’atmosphère n’est pas chaleureuse ; â quatre ou cinq ans, déjà, il console sa mère, l’exhortant à la patience et aide à l’éducation de la fratrie. Vers ses onze ans ils étaient neuf à survivre ; il priait déjà beaucoup Marie en compagnie de sa soeur Guyonne Jeanne, sa préférée. Externe ensuite chez les jésuites de Rennes, où il fait de bonnes études, c’est aux pieds de Notre-Dame de la Paix qu’il connaît un jour avec clarté sa vocation.

  Venu faire sa théologie à Paris, il y arrivera en loques, ayant donné ses habits neufs à des mendiants. Il loge dans une communauté pour séminaristes pauvres. Que ce soient son père spirituel, ses condisciples, tous s’ingénient à tempérer ses singularités, ses austérités et même ses pratiques de dévotion : « Sa conduite n’est pas ordinaire. » Mais, à Saint- Sulpice, la Vierge est grandement honorée et il s’y épanouit ; en 1699 il représente le séminaire aux pieds de Notre-Dame de Chartres.

  Le voilà revêtu du sacerdoce. Rien d’attirant dans son extérieur ; il est laid, avec des traits disgracieux, un nez proéminent, une grande bouche ; intellectuellement, il a une solide culture nourrie de la Bible, des Pères, des auteurs spirituels, Bérulle, Olier, Eudes que l’on retrouvera dans ses écrits. De surcroît, la pratique de l’oraison lui a plus appris que les livres les plus savants. Il lui faut sans cesse exhorter, reprendre : « Le grand missionnaire a dû être un des orateurs les plus irrésistibles que le monde ait entendu.» Il vibre avec l’âme populaire, sait que celle-ci a besoin de signes, de processions, de plantations de croix, de refrains, de cantiques : plus de 23. 000 vers dans ses poèmes sacrés. Il encre à la communauté Saint-Clément de Nantes, au début de son sacerdoce, mais bientôt la quitte n’y trouvant que du désordre. 

   Après diverses missions en pays nantais, le voici en 1701, aumônier de l’hôpital de Poitiers. De cette période date sa rencontre avec mademoiselle Trichet et l’ébauche de ce qui sera la communauté des Filles de la Sagesse. Ses propos ne peuvent qu’irriter : « …honnête homme du siècle, vous estimez la Croix, mais non la vôtre. Il me semble que je vois les vaches qui, eu mugissant, traînaient l’arche d’alliance, dans laquelle était renfermé ce qu’il y a de plus précieux au monde». En 1703, il démissionne et se dévoue à la Salpêtrière, a Paris : « Il trouve, un soir, son congé sous son couvert. » L’Archevêque le charge de réformer les ermites du mont Valérien. En 1704, il est rappelé à Poitiers, les pauvres ayant demandé son retour. Là encore ses hardiesses de prédicateur lui feront interdire toutes les chaires du diocèse. Il part pour Rome, à pied, en 1706, et reçoit de Clément XI le titre de missionnaire apostolique, avec la France pour champ d’action.

    I1 séjourne quinze jours à Lorette, pèlerine à Notre-Dame des Ardillers, à Saumur. A son retour, il prêche dans les diocèses de Saint-Malo, Saint-Brieuc, Nantes. Mais après l’affaire du calvaire de Pontchâteau qui, la veille de l’inauguration, est condamné à être démoli, il se sent persona non grata dans le diocèse.

Heureusement, les évêques de La Rochelle et de Luçon l’invitent à venir travailler chez eux. On voit les soldats de la Rochelle défiler deux à deux, le chapelet d’une main, de l’autre un crucifix. Il pourfend le mal, chassant les buveurs des cabarets, faisant supprimer les foires dominicales. Il connaît d’invraisemblables succès apostoliques. De 1714 datent la fondation des Filles de la Sagesse et l’établissement des régles des « prêtres missionnaires de la Compagnie de Marie ».

Saint-Laurent-sur-Sèvre sera son ultime lieu de mission ; il a alors quatre frères et dans la mouvance quatre Filles de la Sagesse. II meurt d’une pleurésie le 28 Avril 1716, en cette Vendée qu’il vient de marquer définitivement de sa sainteté.  

Louis-Marie Grignion de Montfort a été béatifié par Léon XIII en 1888 et canonisé par Pie XII le juillet 1947. Il a été proclamé Docteur de l’Eglise par Jean-Paul II le

        

  LA DOCTRINE DU PÈRE DE MONTFORT

       En 1716, il écrit un ouvrage à la fois dogmatique et mystique : « Le traité de la vraie dévotion », voulant en faire « une préparation au règne de Jésus-Christ ». Comme il l’avait prédit lui-même, cet opuscule fut relégué durant 126 ans dans les ténèbres et le silence d’un coffre. On ne le découvrit, en effet, que le 29 Avril 1842 dans un meuble de la maison de Saint-Laurent-sur-Sèvre, et on le publia l’année suivante. « Le secret de Marie», qui en est un résumé, ne fut édité qu’en 1868. Déjà de beaux passages sur 1a Sainte Vierge apparaissent dans  « l’Amour de la Sagesse Éternelle ».

              La médiation de Marie

Ainsi Dieu a-t-il donné â Marie un rôle de Mère par rapport aux élus : « Ceux-ci sont enfermés dans le sein de Marie pour être enfantés un jour à la vie éternelle. Donc, en ce sein, ils tirent de Marie leur nourriture spirituelle et leur force ». Selon un mot attribué à Saint Augustin, Marie est «forma Dei », « le moule de Dieu »: « quiconque est jeté dans ce moule et s’y laisse manier par le Saint-Esprit, y reçoit tous les traits de Jésus-Christ » 

Dieu, de plus, « lui a remis toutes ses grâces, en en faisant la trésorière et la dispensatrice ». Or, pour devenir des saints, ce qui est notre vocation, la grâce est indispensable. Pour la trouver, « il faut trouver Marie P.

Néanmoins, Dieu pouvait totalement se passer de la médiation de Marie. « Le Seigneur n’a pas eu et n’a pas encore absolument besoin de la Très Sainte Vierge pour l’accomplissement de Ses volontés et pour la manifestation de Sa Gloire. Cependant, ayant voulu commencer et achever ses plus grands ouvrages par la Très Sainte Vierge, il est â croire qu’il ne changera pas de conduite dans les siècles des siècles, car il est Dieu ».

  Bossuet avait déclaré de la même façon : « Les dons de Dieu sont sans repentance ».

 « La médiation de Marie est une médiation d’ intercession, celle du Christ une médiation de rédemption.» «Pour aller au Père Éternel, il faut aller à Jésus ; pour aller à Jésus, il faut aller à Marie ». « Marie est, de tous les moyens pour avoir Jésus-Christ, le plus assuré, le plus aisé, le plus court et le plus saint. »

Ainsi, la dévotion mariale ne doit-elle pas être combattue sous lefallacieux prétexte qu’elle détournerait du Christ. « Vous êtes, Seigneur,toujours avec Marie et Marie est toujours avec vous. » La solide dévotion à laTrès Sainte Vierge n’est que pour établir plus parfaitement celle deJésus-Christ.

« Élargissez mon cœur, Vierge Marie, dans l’amour du Sauveur ».

Aussi Montfort s’insurge-t-il contre les fausses dévotions à la Mère de Dieu, qu’il s’agisse de dévots critiques, scrupuleux, présomptueux, inconstants, hypocrites ou intéressés.

En revanche, la vraie dévotion sera intérieure, venant de la haute idée que l’on se fait de la Sainte Vierge ; elle sera tendre, c’est-à-dire pleine de confiance, sainte, consistant à éviter le péché et à imiter les vertus de Marie, constante et non point changeante, désintéressée enfin : c’est Dieu que l’on recherche en honorant Sa Mère, et non point des avantages.

Le culte rendu à Marie poussera d’abord à contempler ses grandeurs, à méditer ses vertus en cherchant à les reproduire, à lui adresser des actes d’amour, de louange etde reconnaissance ; â l’invoquer, à s’offrir et à s’unir à elle, à faire toutes ses actions pour lui plaire.

Mais, notre saint est un homme réaliste et pratique. Il conseille donc aussi des gestes extérieurs qui rappelleront le souvenir de la Vierge et provoqueront plus facilement la piété intérieure : ainsi portera-t-on le scapulaire, entrera-t-on dans des confréries érigées en l’honneur de Marie, jeûnera-t-on et fera-t-on l’aumône en son honneur, Montfort insiste tout particulièrement sur la récitation du chapelet.

«  Par l’Ave Maria, le péché se détruira,
le grand Jésus règnera ».

              L’esclavage d’amour

           Cependant, la dévotion la plus parfaite «consiste à se donner tout entier, en qualité d’esclave à Marie, et à Jésus par elle ; ensuite à faire toute close avec Marie, en Marie, par Marie et pour Marie. » Il s’agit d’un esclavage d’amour et non de contrainte, er la consécration à Notre Dame n’est qu’une parfaite rénovation des promesses du baptême. « Pour que tout ce que nous avons et tout ce que nous sommes appartienne véritablement au Christ, Sagesse éternelle et incarnée, nous remettons à sa Mère notre corps, notre âme, nos biens extérieurs et intérieurs et jusqu’à nos mérites. » 

         C’est, dit-il, un chemin aisé puisque frayé par la divine Sagesse en s’incarnant, un chemin court, où l’on ne peut s’égarer car « là où est Marie, l’esprit malin n’est point », un chemin parfait parce que Marie est la plus parfaite des créatures, enfin un chemin assuré.

          Ceux qui se sont voués à Elle, « Marie les aime tendrement, elle épie toutes les occasions de leur faire du bien, elle leur donne de bons conseils. »

        Cette doctrine du saint esclavage empruntée à l’école française a été portée par Montfort à un degré de plénitude et de perfection, prenant l’envergure d’une création.

          Les apôtres des derniers temps :

Saint Louis-Marie reçut en même temps de Dieu des vues prophétiques : l’âge à venir – qu’il nomme  « les derniers temps » – sera marial. Il ne faut pas chercher à dater cette époque future, y voir, par exemple, une annonce de la Révolution française ou un autre temps de bouleversements soir la planète. Mais, à mesure que se rapproche la parousie, même si elle reste encore fort éloignée, « le diable sachant qu’il a peu de temps pour perdre les âmes, redouble tous les jours ses efforts et ses combats ». Aussi Marie doit-elle «  éclater plus que jamais en miséricorde, en force et en grâce dans ces derniers temps. »  « Dieu suscitera de grands hommes remplis du Saint Esprit et de celui de Marie, pour lesquels cette divine Souveraine fera tant  de merveilles. »