Je ne veux plus aimer que ma mère Marie. Tous les autres amours sont de commandement.

Nécessaires qu’ils sont, ma mère seulement Pourra les allumer aux cœurs qui l’ont chérie.

C’est pour Elle qu’il faut chérir mes ennemis, C’est pour Elle que j’ai voué ce sacrifice,

Et la douceur de cœur et le zèle au service comme je la priais, Elle les a permis.

et comme j’étais faible et bien méchant encore, aux mains lâches, les yeux éblouis des chemins, Elle baissa les yeux et me joignit les mains, Et m’enseigna les mots par lesquels on adore.

C’est par elle que j’ai voulu de ces chagrins, C’est pour Elle que j’ai mon cœur

Étoile de la mer voici la lourde nappe

Et la profonde houle et l’océan des blés Et la mouvante écume et nos greniers comblés, Voici votre regard sur cette immense chape

Et voici votre voix sur cette lourde plaine

Et nos amis absents et nos cœurs dépeuplés, Voici le long de nous nos poings désassemblés Et notre lassitude et notre force pleine.

Étoile du matin, inaccessible reine, Voici que nous marchons vers votre illustre cour, Et voici le plateau de notre pauvre amour, Et voici l’océan de notre immense peine.

Ainsi nous naviguons vers votre cathédrale. De loin en loin surnage un chapelet de

meules,

dans les Cinq Plaies. Et tous ces bons efforts vers la croix et les claies,

Comme je l’invoquais,

Elle en ceignit mes reins.

Je ne veux plus penser qu’à ma Mère Marie, Siège de la Sagesse et source des pardons, Mère de France aussi, de qui nous attendons Inébranlablement l’honneur de la patrie.

Marie Immaculée, amour essentiel,

Logique de la foi cordiale et vivace, En vous aimant qu’est-il de bon que je ne fasse, En vous aimant du seul amour; Porte du Ciel?

Paul VERLAINE

« Sagesse »